Les Ondes magnétiques

Texte et mise en scène David Lescot

 

 

Décor : Alwyne de Dardel
Costumes : Mariane Delayre
Lumières : Paul Beaureilles
Musique originale et réalisation sonore : Anthony Capelli
Collaboration artistique : Linda Blanchet
Conseil historique : Anaïs Kien

avec la troupe de la Comédie-Française :
Sylvia Bergé, Alexandre Pavloff, Elsa Lepoivre, Christian Hecq, Nâzim Boudjenah, Jennifer Decker, Claire de La Rüe du Can, Yoann Gaziorowski

  • Au Théâtre du Vieux-Colombier, Comédie-Française : du 23 mai au 1er juillet 2018

Le début des années 80 en France. Les trois premières années de la Gauche au pouvoir, de 1981 à 1984, de l’élection de Mitterrand jusqu’au « tournant de la rigueur ». Cette période je voudrais la raconter à travers une des aventures qui en fut l’emblème : les radios libres.

Utiliser la scène pour créer une radio libre, sa création clandestine, son existence interdite puis légale, sa disparition. Comment l’histoire de la France de cette époque et celle du destin des radios se superposent, comment elles se confondent, et comment on peut raconter l’une à travers l’autre.

L’idée n’est pas de reconstituer à l’identique l’une de ces antennes, mais d’en créer une à travers ce que l’on sait d’elles, en mélangeant, et aussi en imaginant, et même en fantasmant. Je raconterai ici l’époque de mon enfance. Cette réalité je l’ai vécue et je l’ai rêvée en même temps, je l’ai fantasmée. J’aimerais recréer cette page de notre histoire en mélangeant l’imaginaire et le documentaire.

De toute façon, c’est une histoire composite, faite de combats, de coups de génie, d’inventions lumineuses, de délires régressifs souvent salvateurs et parfois navrants. J’aime les mélanges, les formes qui n’existent pas, et qui naissent de façon fortuite.

Finalement ce serait un manifeste esthétique, où l’art et la vie se mêlent indissociablement. Car à l’antenne lorsqu’on entend se succéder un débat politique, une improvisation musicale, un témoignage existentiel, les extraits d’une œuvre littéraire ou poétique, des petites annonces, un reportage, des micros ouverts à tout, est-ce qu’on ne pratique pas l’art du collage, du montage hétéroclite, hétéroclite comme l’assemblage des instants de nos vies.

Raconter cette époque à travers les radios, c’est aussi choisir une certaine distance pour nous regarder nous-mêmes, aujourd’hui, voire naître les prémices de la révolution numérique, comparer ces paroles qui se libèrent à la liberté d’expression supposée d’Internet, revivre le moment de liesse et d’espoir de l’arrivée de la gauche au pouvoir à présent que cette gauche socialiste agonise.

C’est aussi observer in vitro une parabole du capitalisme : après le temps de la liberté débridée se pose celui de la pérennité, du modèle économique à adopter. Car la publicité, qui garantissait l’autonomie, déclencha aussi un processus d’absorption des plus petits par les plus gros.

Ces questions, comme les débats violents, ardents du temps, je voudrais les porter à la scène sous la forme d’empoignades enflammées, vigoureuses, car ces années virent aussi fleurir l’art du discours et des controverses.

Je postule un objet théâtral qui soit utopique, impur, politique, social, musical, documentaire, poétique, rythmique, agité, mélancolique, inquiétant et drôle.

J’aime aussi l’idée de regarder la France et de la raconter à la Comédie Française, où s’y dépose l’histoire, et dont la tâche théâtrale, à toutes les époques, je crois, est aussi d’en faire l’histoire.

David Lescot