La Commission Centrale de l’Enfance

Texte et mise en scène David Lescot

 

Texte et interprétation : David Lescot

Lumières : Laïs Foulc

Collaboration artistique : Michel Didym

Le texte du spectacle a été publié aux Editions Actes Sud-Papiers.

Il a fait l’objet d’une commande de la SACD et a été enregistré par France Culture pour le festival Nîmes Culture 2005.

Dossier du spectacle

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Revue de presse

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Enfant, je passais mes vacances d’été dans les colonies de vacances de la Commission Centrale de l’Enfance (CCE), cette association créée par les Juifs Communistes français après la Seconde Guerre mondiale, à l’origine pour les enfants des disparus. Elles existèrent jusqu’à la fin des années 80. Mon père y était allé aussi.

J’ai voulu m’en souvenir, sans nostalgie, et raconter par bribes cette histoire, qui me revient par flashes de souvenirs inconscients, parfois confus, parfois étonnamment distincts : il y est question de conscience politique, de l’usure d’un espoir, de règles strictes, d’idéologie tenace, de transgressions en tous genres, d’éveil des sens.

J’en ai fait une sorte de petit poème épique, scandé, chanté, qui fait le va-et-vient entre les temps de l’origine et ceux de l’extinction, entre la petite et la grande histoire.

Lorsque la SACD et France Culture m’ont commandé un texte en 2005 pour le Festival Nîmes Culture, et qu’ils m’ont averti que l’auteur le lirait lui-même, en public, j’ai pensé que le moment était venu d’écrire à la première personne, à tous les sens du terme, ce que je n’avais jamais fait auparavant. J’ai vite ressenti le regard des anciens par-dessus mon épaule, une sorte de responsabilité intimidante. Puis des voix se sont mêlées à la mienne, le texte se faisait tantôt subjectif, tantôt choral, tantôt dialogique. La vérité des sensations et des souvenirs ne devait rien céder à la justesse historique. Et je n’avais qu’une heure. Il m’a semblé que seule la musique pourrait donner à ce texte son unité, et comme j’étais seul, j’ai décidé de m’accompagner. Je suis tombé sur une magnifique guitare électrique tchécoslovaque rouge des années 60 (autant dire rare), et je me suis dit qu’elle ferait l’affaire.

Aujourd’hui, convié par Claude Guerre à la Maison de la Poésie, je ne veux pas multiplier davantage les moyens techniques ou scéniques. Un projecteur ou deux, dans les teintes chaudes du music-hall, une bascule pour passer à la nuit (on verra que les nuits étaient très animées à la CCE), et l’atmosphère d’une belle cave voûtée.

Une idée m’est venue à mesure que je rencontrais ceux qui avaient traversé cet épisode parallèle et assez méconnu des mouvements communistes en Europe occidentale : j’ai imaginé que certains d’entre eux pourraient me rejoindre, chaque soir, le temps d’un impromptu, d’une carte blanche, qu’ils soient de ma génération ou de celles d’avant. Curieux comme un grand nombre de ceux-là ont choisi comme moi de faire leur vie dans l’art (Jean-Claude et Olga Grumberg, Gabriel Garran, Daniel Darès, Jean et Micha Lescot, Eric Rochant, Dante Desarthe, et pas mal d’autres). Un invité différent chaque soir, pour quelques minutes, un saut dans le temps, un effet de réel, comme si le sujet sortait de la photographie.

Ce sera donc un cabaret minimaliste. Pour une voix, porteuse d’autres voix. Une sorte de ballade, ou de rhapsodie, de revue parlée-chantée. Parce qu’on chantait beaucoup à la Commission centrale de l’Enfance. Des choses comme « nous bâtirons des lendemains qui chantent », ou « nous voulons chasser la guerre pour toujours », ou encore « nous marchons dans la nuit profonde… ».